JE Mobiliser le droit (2020/2021)

En raison des conditions sanitaires, cette JE une première fois reportée a lieu en plusieurs temps.

Lors de ces deux journées d’étude nous interrogerons les cadres juridiques du droit, construits historiquement et qui s’appliquent aujourd’hui en matière de sans-abrisme d’une part et, les usages sociaux du droit en différentes situations de grande précarité, et selon différents cadrages institutionnels, d’autre part. Comment les professionnels et les bénévoles associatifs mobilisent-ils le droit pour accompagner les publics vers l’accès aux droits sociaux, quels traduction et recadrage proposent-ils? Comment les publics s’approprient-ils les revendications par le droit et de quelles marges de manœuvre disposent-ils ?

Au cœur de ces luttes, nous pointons l’enjeu d’un droit universel à habiter, contribution des sciences sociales à une philosophie politique telle qu’Emmanuel Kant l’envisageait dans son Projet de paix perpétuelle. C’est précisément parce que les conditions de l’habiter pour tous ne sont pas réunies qu’il nous faut l’envisager comme une visée, tout en la mettant à l’épreuve de l’expérience concrète de ceux qui en vivent les contraintes, les limites et les impasses. Cette visée d’un droit à habiter, fondé sur l’ensemble des significations que procure l’expérience d’habiter ici et/ou là, exige de s’équiper par la recherche et par l’action, d’argumenter en droit, de convoquer les instances juridiques ou non, leviers de l’application effective du droit au logement, lorsque celui-ci est devenu une politique publique comme en France, mais plus largement du droit à être là, à occuper et investir des espaces-ressources d’habitats dignes, pour vivre et cohabiter.

(1/2) Jeudi 26 novembre “Le droit comme cadre de lutte et d’action”

10h-10h15 : Introduction générale des Journées
10h15-10h30 : Introduction de la journée par Lola Vives
Cette journée porte sur les cadres juridiques actuels qui font références en matière de sans- abrisme d’une part et sur le recours au droit comme une arme en différents lieux par des acteurs et actrices engagés auprès des sans-abri, d’autre part. La première intervention propose un cadrage juridique et critique de la double attention, protectrice et répressive, en matière de droit en direction des personnes sans domicile fixe. Les deux interventions suivantes conduites à plusieurs voix -professionnelles et chercheures- porteront sur l’usage du droit comme d’une arme dans le cadre de l’urgence sociale et dans le cadre de l’habitat en bidonvilles. L’objectif de cette session est de pointer avec le plus de précision possible les limites du droit positif actuel tel qu’il est appliqué en direction des personnes sans domicile.

10h30-11h10 : Anne-Sophie Ranaivo, docteure en droit

Présente un cadrage juridique, au croisement de différents domaines du droit : droit administratif, droit pénal, droit de l’aide et de l’action sociale, droit de la protection des majeurs, droit de la santé. L’intervention prendra appui sur sa thèse de droit Sans domicile fixe et droit, soutenue en 2018 (lauréate 2019 du prix de thèse du Défenseur des droits)

Résumé de thèse : « En marge de la société, les SDF – personnes dépourvues de « chez elles » et vivant dans une situation de grande précarité – se situent a priori aussi en marge du droit. Pourtant, les SDF sont des sujets de droit et peuvent, à ce titre, faire l’objet d’une étude juridique. La thèse entend démontrer que le droit positif interne est ainsi conçu qu’il ne parvient que très peu à contribuer à l’amélioration de la situation de grande précarité des SDF et même, à l’inverse, qu’il l’aggrave. Dans un premier temps, la recherche permet de constater que les règles de droit ne confèrent concrètement qu’une protection inefficace des SDF, alors pourtant qu’elles reconnaissent de très nombreux droits à la garantie d’un minimal vital, qu’elles sont au fondement d’une politique publique dédiée à la lutte contre le sans-abrisme et qu’elles encadrent des dispositifs restrictifs de libertés destinés à protéger les personnes les plus fragiles. Dans un second temps, la recherche met en exergue que le droit continue d’être utilisé au détriment des SDF. Réminiscence de la répression des plus pauvres, héritée de l’histoire, le droit conduit à aggraver l’exclusion des SDF, voire à les punir. L’étude se clôture alors sur le constat de l’ambivalence persistante d’une société qui mobilise le droit pour protéger les SDF et, dans le même temps, pour s’en protéger. »

13h30-14h10 – Maud Bigot, cadre professionnelle de l’intervention sociale (Samu social de Lyon)
Inconditionnalité & continuité : Faire valoir le droit de la rue au tribunal
À partir du récit de la mobilisation lyonnaise de novembre 2019, suite à l’annonce par le Préfet d’une refonte du dispositif d’hébergement remettant en cause deux grands piliers – l’inconditionnalité et la continuité de l’hébergement-, il s’agira de rendre compte et d’interroger les mobilisations des travailleurs sociaux de l’urgence sociale contre les injonctions qui leur sont faite de tri des populations. La présentation reviendra sur les fondements, du point de vue du travail social, sur la nature et les espaces de cette mobilisation (dans les associations/institutions, devant les tribunaux, dans l’espace) ainsi que sur des éléments qui ont permis le succès .

14h50-15h20 – Anne-Cécile Caseau, doctorante en sciences politiques et Études de genre, Paris 8 (LEGS)
Mobiliser le droit en amont des expulsions de bidonvilles: quels cadres d’intervention pour les professionnel·les?
À partir d’une enquête empirique dans un bidonville de Seine-Saint-Denis menacé d’expulsion, cette présentation explore les différentes arènes juridiques investies par l’avocate des habitant·es, ainsi que les cadres argumentaires mobilisés pour annuler ou retarder l’expulsion. Il s’agit de mieux comprendre comment le droit est mobilisé dans la lutte contre la mise à la rue des habitant·es de bidonvilles.

(2/2) Vendredi 29 janvier
“Les institutions en prise avec le droit et ses réglementations”

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Cette session est orientée sur la dimension plus institutionnelle des prises en charge et la manière dont les institutions recadrent le droit en élaborant des réglementations, sorte de traduction à finalité pratique qu’il s’agira d’interroger. Une première intervention permettra de brosser le cadre socio-politique de la prise en charge par le l’hébergement et le logement accompagnés des personnes sans domicile ; ensuite deux interventions interrogeront les paradoxes des réglementations institutionnelles en prenant appui sur des enquêtes au sein des institutions d’hébergement, à l’hôtel ou dans le cadre du logement social. De quelles manières ces règlementations sont-elles appliquées dans le cadre du plan hivernal et au sein du logement social ? Comment les résidents/ habitants et intervenants sociaux s’arrangent-ils de ces réglementations, s’en saisissent-ils, ou au contraire les contournent-ils ?

9H30-10h10 – Mauricio Aranda, docteur en sciences politiques, Université Paris-Nanterre, ISP
Cadrage socio-politique à partir de son travail de thèse Une assistance à deux vitesses. Socio-histoire de l’hébergement social des sans-abri depuis les années 1950.  Le propos reviendra sur la dimension socio-historique de l’accueil des vagabonds reclassables dans les Centre d’hébergement dans les années 1950 et proposera une analyse de la fabrication de l’action publique et de sa dimension législative.

10h30- 11h- Clothilde Arnaud, doctorante en sociologie, Université Lumière Lyon 2, Centre Max Weber. L’hébergement temporaire hivernal : un dispositif exceptionnel qui structure le dispositif d’hébergement ?

11h30-12h- Laura Jacquemard, doctorante  en sociologie, Université Lumière Lyon 2, Centre Max Weber, CIFRE à la Caisse Nationale des Allocations Familiales.  Jouer avec les règlements pour faire valoir le droit au logement : quand l’accompagnement social devient un espace de co-construction de stratégies pour l’accès au logement social.

12h-12h30 : Débat animé par Pascale Pichon

Vendredi 29 janvier “Le droit à être là”

Cette dernière session sera orientée sur le droit à être là et sera consacrée à une discussion autour de trois expérimentations tels que les dispositifs d’accompagnement juridique : Droits devant à Montréal, Equipe mobile de Grenoble, et Barreau des rues à Paris. Chaque présentation proposera une description précise de chacun des dispositifs mis en œuvre en vue de faire avancer la cause des personnes sans-abri et de mettre en œuvre l’efficacité du droit. Seront déclinées les intentions et circonstances qui ont présidé à leur naissance, présentés les acteurs impliqués, les modalités d’action mais aussi les obstacles rencontrés, surmontés ou non. Chacun.e racontera ainsi l’histoire de ces dispositifs depuis leur genèse afin de poser les interrogations qui accompagnent l’action dans sa durée. La mise en perspective de ces dispositifs orientera le débat.

14h-14h40 – Thibaut Besozzi, docteur en sociologie, LIR3S, Université de Bourgogne.

Cadrage sociologique sur la question des espaces occupés et contestés depuis l’ouvrage de Lefebvre Droit à la ville (1968) jusqu’à l’ouvrage collectif Villes Contestées. Pour une géographie critique de l’urbain dirigé par Cécile Gintrac et Matthieu Giroud (Paris, Les Prairies ordinaires, 2014), Quel droit à la ville et à l’espace public ? Quel droit à être là ?

15h-16h30 : De l’expérimentation à la reconnaissance locale. Mise en perspectives de dispositifs d’accompagnement juridique aux personnes sans-abri

Stephen Chauvet, avocat à la cour, Paris, Barreau des rues. Depuis 2017, l’association Barreau des Rues a pour but d’organiser des collectes à thèmes, en fonction des demandes d’associations partenaires. Lancement d’opérations, à destination des déférés qui transitent tous les jours par le dépôt.
Pierre-Luc Fayolle, responsable & Marie Bouillon, travailleuse paire, Équipe juridique mobile, Grenoble. L’Equipe juridique mobile a pour objectifs de contribuer à rendre effectifs le Droit Au Logement Opposable (DALO) et le Droit A l’Hébergement Opposable (DAHO) pour toutes et tous en activant plusieurs leviers :  mobilisation et information sur les recours, aller à la rencontre des publics, accompagnement procédural, contentieux
Isabelle Raffestin, doctorante en travail social, Université de Montréal
Clinique Droits Devant & Programme Accompagnement Justice Itinérance à la Cour (PAJIC), Montréal : L’expérience montréalaise d’accompagnement dans la sphère judiciaire des personnes itinérantes 

16h-16h30 : Débat animé par Marine Maurin